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Au Cap, les ambulanciers "prient" avant d'intervenir dans les quartiers chauds
information fournie par AFP 06/05/2025 à 11:33

Un véhicule de police escorte des ambulanciers en intervention au township Philippi, près du Cap, le 15 avril 2025 en Afrique du Sud ( AFP / MARCO LONGARI )

Un véhicule de police escorte des ambulanciers en intervention au township Philippi, près du Cap, le 15 avril 2025 en Afrique du Sud ( AFP / MARCO LONGARI )

Les ambulanciers du Cap, à la pointe sud de l'Afrique, viennent d'embaucher quand l'appel tombe peu après 19 heures: un homme a été blessé à la tête avec un tesson de bouteille et saigne abondamment.

Les secouristes sont seulement à quelques minutes mais il faut attendre l'escorte policière. C'est que les Cape Flats, ces quartiers déshérités en partie bâtis sur des marécages en banlieue de la ville touristique et portuaire, ne sont pas franchement fréquentables.

Et la zone de Philippi, où l'homme blessé les attend dans une cabane en tôle ondulée, figure parmi les plus dangereuses dans cette vaste étendue où le taux d'homicides et l'activité des gangs battent tous les records, dans ce pays accablé d'une des plus fortes criminalités au monde.

C'est l'une des neuf zones rouges du Cap où les services d'urgence refusent que leurs équipes médicales se déplacent sans renfort de sécurité.

"Si cela ne tenait qu'à moi, j'irais directement là-bas", souffle l'ambulancier Mawethu Ntintini, 52 ans, qui arpente le trottoir devant le commissariat de Philippi dans son uniforme vert. "Mais on doit attendre les policiers".

L'ambulancier Mawethu Ntintini (c) et sa collègue Ntombikayisi Jok prennent en charge un blessé lors d'une intervention au township Philippi, près du Cap, le 15 avril 2025 en Afrique du Sud ( AFP / MARCO LONGARI )

L'ambulancier Mawethu Ntintini (c) et sa collègue Ntombikayisi Jok prennent en charge un blessé lors d'une intervention au township Philippi, près du Cap, le 15 avril 2025 en Afrique du Sud ( AFP / MARCO LONGARI )

Déjà positionnée dans l'ambulance, sa collègue Ntombikayisi Joko dit sa peur. Cette maman de 42 ans a été dévalisée il y a quelques années par des hommes armés alors qu'elle attendait des instructions pour une intervention.

"Chaque fois que je sors, je prie", explique-t-elle à l'AFP.

Ils attendent encore 30 minutes et partent pour dix minutes de route, devancés par la patrouille de police.

- Trop tard -

La famille affolée du blessé manifeste son soulagement à l'arrivée de l'ambulance. "Parfois on doit attendre jusqu'au petit matin, parce qu'on n'habite pas au bon endroit", soupire une proche.

Un blessé est pris en charge par des ambulanciers lors d'une intervention au township Philippi, près du Cap, le 15 avril 2025 en Afrique du Sud ( AFP / MARCO LONGARI )

Un blessé est pris en charge par des ambulanciers lors d'une intervention au township Philippi, près du Cap, le 15 avril 2025 en Afrique du Sud ( AFP / MARCO LONGARI )

Les secouristes s'affairent dans la lumière bleue des gyrophares. Ses blessures, une entaille profonde sur le bras et une bosse sur la tête, sont moins graves qu'anticipé.

Transporté vers l'hôpital, le blessé est pris en charge moins de deux heures après son appel. Pas si mal.

L'ambulancière pense souvent à cette femme enceinte qui venait de perdre les eaux.

Ce jour là, la police était débordée. Il avait fallu les attendre plus d'une heure. A l'arrivée, il était trop tard.

"C'était un petit garçon, mignon comme tout. Le cordon ombilical était enroulé autour de son cou", raconte Ntombikayisi Joko. "J'en ai pleuré. Je savais que si j'avais pu arriver plus tôt, j'aurais aidé ce bébé".

Quatre des cinq zones au plus fort taux de meurtres se situent dans les Cape Flats, dans un pays où 75 personnes sont tuées chaque jour.

L'ambulancier Mawethu Ntintini transporte un blessé à l'hôpital de Mitchells Plain, près du Cap, le 15 avril 2025 en Afrique du Sud ( AFP / MARCO LONGARI )

L'ambulancier Mawethu Ntintini transporte un blessé à l'hôpital de Mitchells Plain, près du Cap, le 15 avril 2025 en Afrique du Sud ( AFP / MARCO LONGARI )

Les ambulanciers ont exigé des escortes de police en 2015, alors qu'ils étaient agressés au moins une fois par semaine.

Les attaques ont culminé en 2017, avec près de 90 agressions recensées, contre 44 en 2023, dernier chiffre disponible.

– Cibles faciles –

Les ambulanciers sont des cibles évidentes pour des agresseurs qui leur dérobent téléphones, argent liquide ou matériel médical, note le pasteur Craven Engel, à la tête d'une organisation de prévention contre les gangs.

Pour lui cette violence est héritée de l'apartheid, qui a "déraciné" et forcé des populations non-blanches à s'installer dans ces zones inhospitalières, sans accès à des services ou à des emplois.

Entre chômage élevé et pauvreté endémique, "les ressources sont tellement épuisées que les gens s'en prennent désormais aux +gentils+", explique-t-il dans ses bureaux de Hanover Park, une autre zone rouge.

L'ambulancière Inathi Jacob (d) prépare une perfusion pour un jeune patient lors d'une intervention dans le township Philippi, près du Cap, le 17 avril 2025 en Afrique du Sud ( AFP / MARCO LONGARI )

L'ambulancière Inathi Jacob (d) prépare une perfusion pour un jeune patient lors d'une intervention dans le township Philippi, près du Cap, le 17 avril 2025 en Afrique du Sud ( AFP / MARCO LONGARI )

Les soignants qui s'emploient à sauver des vies connaissent parfois les criminels qui les menacent, souligne l'ambulancière Inathi Jacob, 32 ans.

"Ça nous met en rage", dit-elle, d'autant que ces agresseurs pourraient aussi, un jour, avoir besoin de leur aide. "Mais on ne les laisse pas nous atteindre au plus profond. Il y a trop de gens qui ont vraiment besoin de nos interventions".

Deuxième appel urgent de la soirée, un homme âgé, récemment remis d'un AVC, est inconscient. Il n'habite qu'à cinq minutes. Mais il en faut encore 40 pour que l'escorte policière puisse démarrer en trombe, sirènes hurlantes, pour devancer l'ambulance dans un dédale de ruelles sombres.

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